Le
Yi Jing
Le Livre des Transformations et des Mutations
Le Yi-Jing est un très utile compagnon dans le cheminement de notre vie, dans la mesure où il nous amène à vivre plus intensément notre réalité.
Il n’est pas un instrument à prédire l’avenir, mais un manuel de stratégie de vie. Tout être humain doit être le créateur de sa propre existence. Créateur de chaque instant en conscience.
Interview de Pierre Faure - spécialiste du Yi Jing
Le Yi-Jing est le texte fondateur de la civilisation chinoise. Il fait partie de la pensée de ce pays depuis 5000 ans et a donné naissance au Tao Te King, le livre du Taoïsme, au 6ème siècle avant JC. Le Yi-Jing a été longtemps inconnu dans un occident persuadé de la supériorité de la pensée chrétienne et exerçant à l’égard de la pensée orientale, sinon du mépris, du moins une totale indifférence.
Ce n’est qu’au 17ème siècle, que des Jésuites présents à la cour des empereurs chinois découvrent avec intérêt et traduisent en partie le texte du Yi-Jing.
Ils sont frappés par la pertinence de ce grand ouvrage classique et par la subtile organisation de son principe.
Le mathématicien Leibniz, toujours au 17ème siècle, élabore un principe mathématique binaire et découvre peu après, grâce à un Jésuite qui rentrait de Chine, que son système avait été imaginé et expérimenté 3000 ans auparavant en Chine, par le Yi-Jing. Il va alors s’intéresser à l’aspect mathématique de l’ouvrage et découvrir un incomparable outil de réflexion. Plus tard vers 1880, un français, Philastre, va nous donner une magnifique traduction du Yi-Jing, enrichie de nombreux commentaires. Cette œuvre est encore aujourd’hui une référence disponible dans les librairies spécialisées.
En 1920, un pasteur allemand, Richard Wilhelm, en poste à Pékin, traduit avec l’aide d’un maître chinois le Yi-Jing en langue allemande. C’est également une œuvre de référence, même si elle reste contestée par certains de ses aspects. Mais personne ne peut se vanter de détenir le meilleur texte en la matière, tant est compliquée la traduction des idéogrammes chinois, dans n’importe quelle autre langue de la planète.
En 2002, un Français Cyrille Javary, publie en collaboration avec Pierre Faure une remarquable traduction des textes fondamentaux, avec un regard renouvelé sur cette œuvre plurimillénaire.
Ceci montre à l’évidence qu’aucune traduction n’est définitive et que chaque époque apporte un regard nouveau, mais toujours respectueux de l’esprit, sur les textes anciens. Le philosophe Jung s’est passionné pour le Yi-Jing et y a puisé ses idées sur la synchronicité, la résonance, les coïncidences et les affinités entre les choses.
Le Yi-Jing vient agir comme une aide et un révélateur puissant des mécanismes de la vie qui vont permettre d’orienter une personne vers l’attitude la plus adaptée aux péripéties de son existence.
Le Yi-Jing repose sur le principe Ying-Yang, organisé dans une représentation graphique de 64 hexagrammes, c’est-à-dire 6 traits superposés, tantôt continus ( yang) ou discontinus( yin).
Le Yi Jing va nous permettre de prendre conscience des énergies dont nous disposons à un moment donné et de comprendre si elles sont adaptées à ce que les événements de notre vie nous proposent à cet instant. Il s’ensuivra une meilleure adéquation à nos conditions d’existence et cela favorisera l’ouverture de notre conscience.
Il n’y a pas de déterminisme dans la pensée chinoise, mais si nous ne sommes pas créateurs de notre vie, c’est notre vie qui va créer à notre place et nous aurons alors à assumer les conséquences d’actes que nous n’aurons pas su vivre en conscience. Il n’y a pas d’existence véritable sans la conscience d’exister.
HASARD ET DESTINÉE Réflexions sur le Yi Jing
Selon la pensée chinoise, le destin existe. C’est une énergie qui se meut en fonction de règles complexes et qui obéit à des influences multiples dont nous ne percevons pas toujours les paramètres. La destinée est tout ce sur quoi un être humain ne peut pas peser. C’est tout ce qui échappe à son influence ou à sa volonté. Dès que nous sommes incarnés, nous entrons dans un système qui va donner à notre existence des limites difficiles à dépasser.
Notre corps physique est un conditionnement, héritage de notre hérédité familiale. Les projections psycho-émotionnelles des parents durant notre enfance vont également marquer notre fonctionnement et générer des informations qui deviendront à leur tour héréditaires. Le contexte social, scolaire et professionnel va également déterminer des conditionnements.
Tous ces conditionnements imposent des limites à notre psychisme et à notre physique et sont autant d’entraves à notre développement. Les premières années de la vie nous placent dans un système très conditionné dont nous allons nous libérer plus ou moins facilement. Notre niveau de conscience va également limiter la circulation de l’énergie dans notre métabolisme. Il va s’ensuivre un déséquilibre facteur de pathologies. Il est difficile d’obtenir et de conserver un équilibre permanent, car nos conditions de vie remettent sans cesse en question notre sérénité.
Si une guerre éclate demain dans notre pays, nous n’avons pas de réel moyen de peser sur cet évènement. En revanche nous allons pouvoir dans une certaine mesure décider de la manière dont nous allons nous inscrire dans ce contexte exceptionnel.
Cependant, la manière dont nous allons agir dans la situation, va être conditionnée par une certaine quantité de paramètres dont nous ne pouvons nous extraire. Notre âge, par rapport à l’évènement, notre éducation, notre morale, etc. Autant de facteurs qui vont influencer et déterminer notre comportement.
La vie est donc un schéma continu de rencontres qui sont un mélange de chaos, d’ordre, de jeu et de déterminisme. Le mot hasard est un mot arabe qui signifie « jeu de dés ».
Cela signifie que la vie n’est pas «écrite» au sens strict du terme et que l’imprévisible est une constante de notre existence. Le jeu de la vie est par nature source de créativité.
Le hasard est donc en fait « ce principe d’ajustement créatif et de variation » qui en s’organisant plus ou moins donne un sens à l’existence.
Cependant, les dés du hasard sont des dés pipés. A chaque instant, les synchronicités peuvent modifier ce qui semblait régit par la loi de causalité et le déterminisme.
La synchronicité est donc en définitive une résonance naturelle du « hasard ». Le hasard, ou ce que nous appelons un peu rapidement ainsi, se mesure à son degré d’improbabilité.
En effet, l’incertitude face à l’existence provient de l’ignorance des causes qui peuvent entraîner des devenirs plus ou moins ouverts. Ce qui arrive par prévision ou nécessité, ne nous apprend rien. Seul le hasard est porteur d’enseignement et de message car il fonctionne comme une stratégie subtile, pour faire émerger un ordre nouveau dans notre quotidien. Après un déséquilibre fortuit provoqué par une synchronicité inattendue, nous cherchons naturellement à retrouver l’équilibre perdu.
Le Yi Jing nous enseigne que le présent pourrait être plein de tous les devenirs possibles, si le passé n’y projetait déjà une histoire...
Sans le chaos qui engendre l’imprévisible, il ne pourrait y avoir de place pour la notion d’équilibre. Tout traumatisme est supportable dans la mesure ou l’homme est capable d’élaborer la remise en équilibre de son système. Le hasard est ce jeu des synchronicités de la vie qui peut à tout moment remettre l’être en mouvement.
On le voit, il n’est pas possible de séparer des notions comme hasard, synchronicité, destin, résonance ou affinité. Toutes ces vibrations se combinent à l’infini dans le creuset de l’alchimiste divin.
Elles se rapprochent ou s’éloignent comme le fait un soliste dans une chorale, d’abord anonyme au milieu du groupe, puis s’évadant soudain dans un solo parfait, revenant pour un temps s’intégrer à la mélodie générale avant de libérer à nouveau pour rejoindre enfin le chœur dans la communion du final.
Texte de Mr Gérard Berrier - Ethnologue Historien Directeur de l'Institut Européen du Yi Jing